La Femme Falaise – chapitre 2

Alice se sentait un peu étourdie. Elle ne s’était pas retrouvée au milieu d’une telle foule depuis bien longtemps. Lorsque Margaret l’avait conviée à l’accompagner à cette soirée, elle lui avait assuré qu’il ne s’agissait que d’une petite fête entre amis. Mais en réalité, l’immense salle de réception de l’hôtel particulier de la princesse de Malanset était bondée. Au coude-à-coude, les invités s’efforçaient de ne pas se marcher sur les pieds, et Alice n’était même pas encore parvenue à apercevoir l’orchestre, qu’elle entendait à peine par-dessus le brouhaha des conversations. Accrochée à sa coupe de champagne, elle se déplaçait avec précaution entre les petits groupes de convives, saisissant au passage des bribes de discussions. Elle ne reconnaissait aucun visage dans cette assemblée à la fois bigarrée et terriblement homogène : un troupeau dissipé qui s’exprimait en diverses langues, riait et s’exclamait sans retenue. Alice se serait lancée à l’assaut de cette foule sans la moindre hésitation quelques années plus tôt. Autrefois, songea-t-elle avec amertume, elle adorait papoter, plaisanter, flirter, danser. Elle était capable de se montrer amusante, et même spirituelle. Elle le mesurait aux sourires et aux éclats de rire que déclenchaient ses mots d’esprit, à ses carnets de bal toujours remplis, à la façon dont on recherchait sa présence. Mais tout cela, c’était avant que les portes ne commencent à se refermer sur elle à mesure que les rumeurs de sa liaison avec Lucia se propageaient. C’était avant les humiliations, la mise à l’index, les regards hostiles et méprisants. Désormais, Alice avait perdu toute confiance en elle. Elle se sentait gauche et balbutiante, intimidée par cette société distinguée rassemblée par les soins de la princesse de Malanset.

À vrai dire, Alice avait été intimidée dès son arrivée. La splendeur de l’hôtel particulier des Malanset était bien connue du Tout-Paris, mais c’était la première fois qu’Alice l’admirait de ses propres yeux. Située à deux pas de la place du Trocadéro, la bâtisse était entourée d’un grand jardin et s’élevait sur trois niveaux. Sa façade en pierre de taille, à la fois classique et imposante, dominait la rue comme une évidence. À l’intérieur, le spectacle devenait féérique : les vastes volumes, les matériaux nobles, les plafonds ornés de fresques, les œuvres d’art soigneusement mises en scène. Alice avait eu l’occasion de visiter beaucoup de belles demeures au cours de son existence, mais elle s’était rarement sentie aussi impressionnée.

Les présentations avec la maîtresse des lieux avaient achevé de la déstabiliser. Dès que Sonia de Malanset avait fixé son attention sur elle, Alice, prise au dépourvu par sa propre réaction, avait perdu tous ses moyens. Jamais elle n’aurait imaginé ressentir un tel choc en revoyant Sonia. Elle avait été à la fois frappée par l’impression d’assurance et d’autorité que dégageait la princesse et éblouie par la beauté de ses traits que les années ne faisaient que souligner davantage. Ses sourcils hautains lui donnaient une expression un peu sévère, adoucie par des paupières bistrées et un regard mélancolique et lointain. Sous le coup de la surprise, Alice avait à peine entendu Margaret la présenter et avait serré la main de leur hôtesse d’une façon mécanique.

— Madame Green, avait salué Sonia en français, d’une voix profonde et chaleureuse à la musicalité inhabituelle.

Un léger accent, en avait conclu Alice qui s’était souvenue que la princesse était issue d’une très vieille famille de l’aristocratie roumaine. Sonia avait-elle déjà cet accent quinze ans plus tôt ? À l’époque, Alice ne semblait pas l’avoir remarqué. Ou alors, elle n’avait pas retenu ce détail.

Sous le charme, Alice était demeurée un instant muette. Son silence avait causé un bref moment de gêne que Sonia avait rompu en se tournant vers Margaret pour échanger quelques nouvelles. Alice avait regardé les deux femmes discuter en se maudissant pour sa balourdise, persuadée d’avoir raté son entrée. Ce n’était pas en se comportant de cette manière qu’elle convaincrait Sonia de Malanset de l’inviter à fréquenter son salon. Heureusement, Margaret avait sauvé l’honneur en se montrant, comme à son habitude, charmante et spirituelle. Elle avait peut-être même fait preuve d’un peu plus d’empressement qu’à l’ordinaire, comme si elle s’efforçait de rattraper la piteuse prestation de sa fille aînée.

Alice parvint enfin à rejoindre les musiciens installés sur une estrade en se frayant un chemin parmi les convives. Quelques couples de danseurs improvisaient une valse devant l’orchestre. Ne sachant que faire ni où aller, Alice s’immobilisa. Elle sentait son champagne tiédir entre ses doigts à travers sa coupe en cristal. Mais, de peur de perdre toute contenance, elle n’osait se débarrasser de son verre, tout en étant incapable d’en boire la moindre gorgée. Du coin de l’œil, elle repéra Sonia de Malanset, qui discutait avec trois de ses invités. Elle reconnut l’un d’entre eux, un compositeur en vogue réputé pour être un ami intime de la princesse. Ce n’était pas la seule personnalité présente ce soir. Alice avait déjà croisé une danseuse, un peintre, une cantatrice, un homme politique et deux célèbres romanciers. Sonia portait une robe assez simple, mais d’une parfaite élégance. Malgré sa taille un peu alourdie, elle conservait un port altier et une sorte de grâce indéfinissable. Alice chercha son propre reflet dans l’un des miroirs qui ornaient les murs de la salle de réception et fut, sans surprise, déçue par son allure. Elle était loin de soutenir la comparaison avec Sonia. D’où venait cette aisance presque surnaturelle que possédaient certaines femmes ? La nature n’avait visiblement pas jugé nécessaire de doter Alice d’un tel don, et le temps ne faisait qu’aggraver les choses. Elle, qui détestait l’idée même d’avancer en âge, avait l’impression d’avoir vieilli de dix ans depuis son arrivée à Paris. Elle se surprenait à s’observer longuement dans le miroir, à la recherche des premières traces d’un flétrissement prématuré : un menton moins bien dessiné, une ride au coin des yeux… Alice aurait donné n’importe quoi pour retrouver la fraîcheur et l’innocence de ses seize ans. À son grand désespoir, elle avait aussi pris quelques kilos dont elle ne parvenait plus à se débarrasser. Elle avait choisi sa robe avec beaucoup de soin en prévision de cette soirée, mais malheureusement, les lignes droites et épurées de la mode actuelle paraissaient surtout mettre en valeur les femmes très minces. En étudiant son reflet dans le miroir, Alice se jugea boudinée et, surtout, quelconque, ce qui lui sembla encore plus dramatique.

Elle jeta un nouveau coup d’œil en direction de Sonia de Malanset, légèrement penchée vers son voisin qui lui offrait du feu. La princesse n’utilisait pas de porte-cigarette. Sa manière de fumer révélait une autre facette de sa personnalité : une sorte de dureté qui contrastait avec sa délicatesse et son allure sophistiquée. Alice repensa avec horreur à leur rencontre ratée par sa faute. La princesse aimait les artistes et les beaux esprits. Pourquoi Alice n’avait-elle pas été capable de prononcer la moindre phrase ? N’importe quelle remarque, voire un petit compliment maladroit, aurait été préférable à ce silence embarrassé. Elle se remémora la façon dont Sonia l’avait saluée, avec ces simples mots : « Madame Green »… À cet instant précis, son regard avait trahi une certaine curiosité, peut-être même une interrogation. Sonia avait-elle eu vent, d’une manière ou d’une autre, des rumeurs qui avaient agité Londres pendant les quatre ans qu’avait duré sa liaison avec Lucia ? Alice ignorait si elle devait considérer cette éventualité comme un soulagement ou un motif d’inquiétude supplémentaire. De toute façon, elle n’obtiendrait probablement jamais la réponse à cette question, puisque Sonia ne lui avait plus accordé le moindre regard depuis le fiasco des présentations.

Pour échapper à ces souvenirs embarrassants, Alice décida de se livrer à sa distraction favorite : l’observation. Elle se mit à étudier la petite foule des convives et regretta bien vite de ne pas avoir son carnet de croquis sous la main. Il y avait là tant de personnages hauts en couleur, de situations cocasses. Elle se régalait des regards venimeux que les vieilles élégantes fanées coulaient en direction des jeunes femmes. Les nouvelles coupes à la garçonne donnaient à ces beautés imperturbables des airs d’oisillons fragiles. Leurs silhouettes filiformes paraissaient minuscules comparées aux ventres rebondis des gentlemen engoncés dans leurs smokings. Chez la gent masculine, les fines moustaches et les cheveux brillantinés côtoyaient des favoris excentriques, aussi triomphants qu’anachroniques. Bientôt, Alice sombra dans une sorte de rêverie, laissant son regard s’attarder sur les petits détails : les faces-à-main, les étuis à cigarettes et les volutes de fumées qui s’élevaient au-dessus des convives… sans oublier les rivières de diamants qui scintillaient sous la lumière des lustres vénitiens.

Une silhouette attira soudain son attention et fit bondir son cœur dans sa poitrine. Elle se sentit saisie d’un sentiment de familiarité aussitôt suivi d’une douleur fulgurante. Cette femme qui lui tournait le dos, un peu plus grande que la moyenne… Ces longs cheveux noirs, cette façon de poser une main sur la hanche… En un éclair, Alice fut à nouveau entièrement habitée par la présence de Lucia, mais l’impression ne dura qu’une seconde. La femme se retourna, dissipant le mirage, et la laissant exsangue, le cœur brisé. Il ne s’agissait pas de Lucia, mais d’une inconnue qui ne lui ressemblait même pas vraiment. Alice cilla et passa une main un peu tremblante sur son front. Quand cesserait-elle de subir ce genre d’apparition ? Après deux années de silence, elle croyait encore souvent apercevoir Lucia au coin d’une rue, au comptoir d’un magasin, à une table de restaurant. Ces brèves lueurs d’espoir, toujours déçues, lui causaient une peine aussi vive qu’à la première heure de leur séparation. Elle continuait à penser à Lucia vingt, trente fois par jour. Pensait-elle seulement à autre chose ? Aux mains de Lucia, à ses yeux, à sa bouche, à ses baisers…

Les jambes lourdes, Alice fit quelques pas pour reprendre le contrôle d’elle-même. Ces méprises lui faisaient revivre un condensé de toutes les émotions qu’elle avait pu ressentir durant sa liaison avec Lucia. Au fil des mois, ce maelstrom s’effaçait au profit d’une immense tristesse teintée de désespoir. « Menteuse, traîtresse, perfide. » Deux ans sans une lettre, sans un appel téléphonique. Elle demeurait sidérée par la façon dont la situation lui avait échappé. Comment Lucia en était-elle arrivée à la haïr et à refuser tout contact avec elle ? Alice était presque certaine qu’elle ne méritait pas un tel traitement. Si seulement Lucia avait accepté de lui accorder quelques petites perspectives : lui écrire un mot de temps à autre, la laisser entendre sa voix…

À force d’errer dans la salle de réception, Alice tomba presque nez à nez avec Margaret, en pleine conversation avec un inconnu. Elle hésita un instant à la rejoindre et à se ranger sous sa bannière, avant de changer d’avis au dernier moment et de faire volte-face. Un reste de fierté l’empêchait de jeter si vite l’éponge. Ne s’était-elle pas promis de tirer quelque chose de positif de cette soirée ?

Tournant le dos à Margaret, Alice se rapprocha d’un petit attroupement à l’autre bout de la salle de réception. Un groupe d’une quinzaine de convives aux visages hilares s’était rassemblé devant une alcôve qui abritait un divan et trois fauteuils. Alice ne tarda pas à apercevoir la femme qui monopolisait ainsi leur attention : la célèbre salonnière Ève de Lastre qui recevait chaque vendredi le Tout-Paris dans son hôtel particulier situé à deux pas de celui des Malanset. Alice avait identifié sans peine sa silhouette, si menue, et son petit visage au profil acéré, dont sortait une voix unique, reconnaissable entre mille. Une voix digne d’une grande comédienne : puissante et capable de variations infinies. Confortablement installée sur le divan, Ève de Lastre siégeait, telle une reine au milieu de sa cour. À ses côtés était assise une autre femme qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau, au point qu’elle aurait pu être sa jumelle. Ce devait être la baronne de Pravan, en déduisit Alice, la sœur d’Ève de Lastre qui la suivait partout comme son ombre.

Alice se faufila jusqu’à l’un des fauteuils afin de profiter à son tour du spectacle. Au même moment, un immense éclat de rire secoua l’auditoire, et un sourire satisfait éclaira le visage d’Ève de Lastre. La salonnière réglait de toute évidence leur compte à plusieurs personnes dont elle se moquait avec férocité. Pour ne pas les nommer, elle se livrait à des imitations et enchaînait les sous-entendus, pour le plus grand plaisir de son public qui réagissait à chacune de ses mimiques et à la moindre inflexion de sa voix. Ève, habituée à capter toute la lumière, s’en donnait à cœur joie et multipliait les piques aux dépens de ses victimes. Au début, Alice se laissa porter par les rires qui fusaient autour d’elle, heureuse de profiter de ce divertissement qui l’empêchait de penser à Lucia. Admirative du talent et du savoir-faire de la salonnière, elle se surprit à sourire plusieurs fois. Ève de Lastre, experte, menait son auditoire par le bout du nez.

Peu à peu, l’amusement d’Alice laissa la place à de la gêne, puis à un véritable malaise. Les visages rieurs des convives ressemblaient de plus en plus à des masques grimaçants. Comme dans une arène, le public réclamait du sang, et l’impitoyable Ève de Lastre procédait à la mise à mort avec une certaine gourmandise. Alice s’était bien trop souvent retrouvée de l’autre côté du bâton, dans le camp des victimes. Elle avait passé des soirées entières à faire mine d’ignorer les airs narquois et les chuchotements railleurs qui bruissaient dans son dos. L’humiliation lui brûlait encore les joues. Son pire souvenir était d’avoir été abandonnée par toute une tablée de jeunes gens de son âge qui s’étaient joyeusement mis en route pour une promenade à laquelle ils avaient omis de la convier. Elle entendait encore leurs ricanements résonner depuis le couloir tandis que le silence s’abattait autour d’elle.

Alice se sentit soudain oppressée. Jouant des coudes, elle s’éloigna de cette assemblée hostile aux sourires carnassiers. Elle balaya la salle de réception du regard jusqu’à repérer un fauteuil libre dans un coin isolé. Des petits points blancs se mirent à danser devant ses yeux tandis qu’elle s’avançait dans sa direction, la respiration un peu hachée et un désagréable goût de bile dans la bouche. Derrière elle, la voix d’Ève de Lastre et les rires qui ponctuaient ses plaisanteries faiblissaient, comme si les sons avaient été mis sous cloche. Alice se laissa tomber dans le fauteuil avec soulagement et réalisa qu’elle tenait toujours sa coupe de champagne à la main. L’heure était-elle suffisamment avancée pour se permettre de la poser par terre ? Ou bien paraîtrait-elle vraiment trop impolie ?

— Madame Green ? Vous sentez-vous bien ?

Alice se figea. Cette voix, ce léger accent… Cette robe qu’elle avait admirée quelques minutes plus tôt et qui venait de faire irruption dans son champ de vision… Pétrifiée, Alice leva les yeux et croisa le regard plein de sollicitude de la princesse de Malanset.

— Non, pas très bien, avoua-t-elle avec un sourire penaud.

— Laissez-moi vous débarrasser…

Joignant le geste à la parole, Sonia enleva la coupe des mains d’Alice tout en appelant un serviteur qui passait à proximité. Dès qu’il l’entendit, l’homme se mit à trottiner dans sa direction.

— Allez me chercher un verre d’eau pour Mme Green, ordonna la princesse tout en déposant la coupe sur le plateau que lui présentait le domestique.

Alice ressentait une incroyable frustration. Aurait-elle, sans le vouloir, offensé une déesse païenne qui aurait précisément choisi cette soirée pour accomplir sa vengeance ? Quelle sorte de malédiction avait placé Sonia de Malanset sur son chemin alors qu’elle se trouvait dans cet état pitoyable ?

— Ne vous donnez pas cette peine, madame de Malanset, balbutia Alice sur un ton bien plus plaintif qu’elle ne l’aurait souhaité. Je vous remercie, mais je me sens déjà mieux…

— En êtes-vous certaine ? Vous êtes bien pâle.

Les attentions de Sonia semblaient sincères. Ni sa voix ni ses yeux ne trahissaient le moindre signe d’impatience ou d’agacement.

— Ce n’est qu’un léger vertige, assura Alice. Je suis désolée d’interrompre ainsi votre soirée, s’empressa-t-elle d’ajouter.

— Oh ! Ne vous excusez pas, je vous en prie. Nous avons toutes déjà vécu ce genre d’incident, n’est-ce pas ? Il est impossible de respirer dans ces soirées. Je vais finir par imposer à mes invités de sortir fumer sur la terrasse…

Sonia congédia le serviteur d’un geste. L’homme inclina légèrement la tête pour la saluer et tourna les talons. Alice le regarda s’éloigner, anxieuse à l’idée de se retrouver en tête à tête avec la princesse. Depuis toujours, elle adorait le français qu’elle avait étudié avec acharnement afin de le maîtriser à la perfection. Mais ce soir, elle avait l’impression d’avoir tout oublié et de se débattre avec les mots comme une débutante.

— Pouvez-vous vous lever ? Marcher ? J’aimerais avoir votre avis à propos de quelque chose.

— Mon avis ? répéta bêtement Alice.

— Rassurez-vous, je ne vous propose qu’une toute petite aventure. Vous n’avez rien à craindre… Oh ! dois-je demander l’autorisation de votre mère ? s’interrompit Sonia avec un air malicieux.

Alice sentit son visage se décomposer. Le sourire de Sonia, en revanche, indiquait qu’elle était ravie de sa plaisanterie.

— C’est ce que je pensais, se félicita la princesse. Suivez-moi ! Au pire, cela vous permettra de respirer quelques instants !

Alice ne comprenait pas très bien ce qui était en train de se passer. Elle était déjà stupéfaite que Sonia ait retenu son nom ou même qu’elle se souvienne de son existence. Ne l’avait-elle pas ignorée toute la soirée ? Sans attendre sa réponse, Sonia lui tourna le dos et commença à s’éloigner. Alice bondit de sa chaise comme un ressort et s’élança à sa poursuite, déterminée à ne pas gâcher cette seconde chance tout à fait inespérée.

Poursuivre la lecture – chapitre 3

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